plaisir et jouissance
Un piti peu d'histoire
La sodomie nest pas la dernière pratique sexuelle en vogue : dans la Bible déjà, deux villes aux moeurs plutôt dissolues furent détruites par la colère de Dieu ; lune delles sappelait Sodome... Puis dans la Grèce antique, les professeurs estimaient quil ny avait pas de meilleur moyen pour transmettre force, sagesse et virilité à leurs élèves. Et à une époque où la pilule navait pas encore envahi les pharmacies, force est dadmettre que cet orifice pouvait savérer pratique... dès quon voulait assurer ses arrières !
Contrairement aux chefs religieux de lempire perse qui sont allés jusquà rédiger des codes encourageant la sodomie afin de limiter le nombre trop florissant de naissances, les Pères de lÉglise et les théologiens se sont empressés de la condamner : réprouvant tout rapport charnel ne menant pas à la procréation, ils ont fini par en faire un péché contre nature plus grave que linceste ou le rapt dune religieuse ! Et pour être sûrs dempêcher les hommes et les femmes de se livrer à ces accouplements « désordonnés », ils nont eu aucun scrupule à leur coller lInquisition aux fesses ! Après tout, il ne peut y avoir que du Satan là-dessous. Sinon, comment expliquer que de bons croyants puissent ainsi se laisser tenter par des plaisirs rigoureusement défendus ? La suite na rien de réjouissant : sils ne terminaient pas leurs jours sur le bûcher, à linstar dune certaine Antide Colas de Bétoncourt qui confessa en 1599 que le diable lui rendait visite par cette « porte », les amateurs de cette pratique étaient pratiquement condamnés à mourir de faim... car on leur prescrivait entre 3 et 15 ans de jeûne pour se racheter !!!
Au XIXe siècle, les premiers psychiatres dressent un tableau des perversions sexuelles, incluant bien sûr la sodomie. En 1948, alors quune Amérique ultra-conservatrice et pudibonde se relève à peine de la guerre, le chercheur Alfred Kinsey lâche une bombe ; dans un célèbre rapport sur les moeurs sexuelles des Américains, il nhésite pas à dévoiler des chiffres ahurissants : 69% des hommes ont fréquenté des prostituées, 92% se masturbent et 60% pratiquent le cunnilingus ! La révélation fait scandale. Pire : il reconnaît même que la région anale aurait un potentiel érotique pour la moitié de la population environ - sans toutefois entrer dans les détails. Lorsquon sait quaujourdhui encore 15 États américains ont des lois anti-sodomie prévoyant des peines allant de 300$ damende à la prison à vie, il faut reconnaître que Kinsey ne manquait pas daudace. Mais surprise : alors quon aurait pu penser quun pareil pionnier du sexe ne pouvait nourrir de scrupules marqués par la morale, voilà quon découvre bien des années plus tard quil avait aussi recueilli des données précises concernant la sodomie ! Daprès ses travaux, 11 % des couples mariés ont admis avoir essayé la sodomie. Mais cétait 1948, le sujet était sans doute encore trop tabou pour quil ose sy frotter de plus près en divulguant ces chiffres.
1972 : un film prend laffiche dans la controverse. Dans Le dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci, Marlon Brando et Maria Schneider utilisent une plaquette de beurre dune façon originale qui na rien à voir avec la cuisine... Coïncidence ou pas, la sodomie fait un bond dans les sondages : 14 % des femmes et 19 % des hommes avoueront cette année-là sêtre laissé tenter par une position qui, jusqualors, était plutôt... en mauvaise posture.
Une pratique encore taboue
« Dans lémission Éros (diffusée au Canada), on reçoit régulièrement des appels sur le coït anal, du genre « Comment amener ça dans un couple ? » ou « Que faire si ma femme ne veut pas le faire ? » Quand on parle de sodomie à la télé, cest comme si ça donnait aux gens la permission de lessayer. Après tout, cest une pratique sexuelle comme une autre » confie Sylvie Ledoux, animatrice de lémission. Mais psychologiquement, les interdits demeurent, comme si on avait atteint les limites de la révolution sexuelle. Daprès une enquête menée en 1992 en France, plus dune femme sur deux trouve quil est choquant quun partenaire lui propose dessayer la sodomie. Est-ce que cela revient à dire quune femme sur deux la pratique ? Pas vraiment : selon le magazine Elle, seulement une sur quatre accepte quon passe de temps à autre par la « porte de arrière » et seulement 6 % y trouvent du plaisir !
Ignorance, poids des conventions, dégoût, culpabilité, gêne... Ça commence à faire beaucoup pour un mot de trois syllabes ! « Culturellement, on naccepte pas la sodomie parce que cette pratique est peut-être trop liée au porno pour les gens, rapporte la sexologue et thérapeute Sylvie Lavallée. On peut se laisser aller à diverses fantaisies, mais ce ne sera pas la première option retenue, car celles qui ne lont jamais essayée ont peur de la douleur, de linconnu. En plus, la femme peut avoir limpression dêtre dominée, rabaissée. Ça na rien à voir avec le fait quelle soit prude ou non. Il y a quelque chose de bestial dans cet acte, et elle ne veut pas passer pour une nympho ou une putain. » Du coup, même les prostituées se montrent réticentes à lidée doffrir ce service à dillustres inconnus. « Ce nest pas complètement tabou, mais cest rare que les filles en parlent, dit Sylvie Caron, agente de liaison pour Stella (un regroupement de travailleurs et travailleuses du sexe). Dans le métier, elles aimeront mieux faire une fellation parce que ça ne les implique pas, cest rapide et cest de largent vite fait. Mais cest sûr quil y en a parfois qui vont pratiquer la sodomie parce quelles ont besoin dargent et quelles peuvent demander plus cher pour ça - mais de toute façon ce nest pas ce que les clients préfèrent. »
Vers une démocratisation de la sodomie ?
Pour prendre du plaisir pendant la sodomie, ou au moins lapprécier à loccasion, il faut au départ être plutôt branché sur la variété et sur le sexe - comme les lectrices du magazine Playboy, dont 61% ont expérimenté la sodomie (selon un sondage mené au début des années 80). « Lorsque des partenaires vivent ensemble depuis longtemps, arrive un moment où ils tombent dans la routine et peuvent avoir envie dexplorer autre chose, explique Sylvie Lavallée. Cela demande une très grande entente entre les deux car il y a quand même une grande différence entre lune ou lautre des pénétrations. » Autrement dit : mieux vaut sabstenir de pratiquer la sodomie sans un minimum de préparatifs. Sinon, cest un peu comme si on se lançait du haut dun building sans parachute : on risque un atterrissage douloureux. « Jai voulu essayer ça le mois dernier avec ma copine, mais comme on ne lavait jamais fait ni lun ni lautre, on ne savait pas trop comment sy prendre, raconte Franck, 34 ans. Ça lui a fait tellement mal quelle men parle encore. »
Cest que cette région est pourvue dun grand nombre de terminaisons nerveuses, ce qui en fait une zone érogène mais extrêmement sensible. Chaque femme ne ressentira pas tout à fait la même chose, puisque certaines trouveront cela inconfortable voire douloureux alors que dautres éprouveront du plaisir : il ny a pas de norme. « Cest une forme de jouissance vraiment très différente qui ne donne pas dorgasme, mais jai appris à lapprécier avec le temps, explique Dorothée, 29 ans. Plus on le fait, meilleur cest, car les inhibitions tombent et on sait davantage comment sy prendre. » Et si on veut éviter le genre dexpérience traumatisante qua connue la copine de Franck, il faut beaucoup de patience et une triple dose de douceur : pas question de faire ça à la sauvette pendant la pause publicitaire !
Cest dailleurs ce qui lui donne son petit plus, car justement, les préliminaires durent généralement nettement plus longtemps que lors dune relation ordinaire. « En fait, cest le genre de pratiques que tu adoptes quand tu veux avoir une relation sexuelle qui se prolonge, confie Martin, 38 ans. Lautre grande différence, cest que ce nest pas un acte amoureux mais un acte sexuel où tu as limpression de faire quelque chose de plus osé. »