plaisir et jouissance

En bref:
"les Contes immoraux" de Valérian Borowczyk où les masturbations à l'aide de concombres sont filmées dans l'esthétique des estampes cochonnes du début du siècle, bien loin de la norme pornographique actuelle.

"les Contes immoraux"
A travers quatre contes, réunion de quatre courts métrages, Walerian Borowczyk illustre différents « vices sexuels ». Chacun se déroule à une époque plus reculée de l’histoire et correspond à un degré supérieur dans la perversion. Dans La Marée, adaptée d’une nouvelle d’André Pieyre Mandiargues (1909-1991), un jeune homme, sous les traits de Fabrice Luchini, orchestre une fellation qu’il ordonne à sa plus jeune cousine d’accomplir, selon un rite bien particulier.
La jeune Sainte Thérèse, canonisée au XIXe siècle, et héroïne du deuxième conte, fait converger amour de Dieu et émois sexuels, confusion qui aboutit à un acte de masturbation.
Dans le troisième conte, Paloma Picasso incarne une variation féminine du célèbre vampire hongrois Erzébet Báthory. Aristocrate sanguinaire, elle s’entoure de jeunes femmes de condition modeste qu’elle gâte à des fins douteuses.
Le dernier conte narre le crime sexuel des crimes sexuels, l’inceste perpétré par Lucrèce Borgia avec son père. Notons à titre de curiosité que parmi les légendes qui circulèrent sur Lucrèce Borgia, le motif de l’inceste l’associe plutôt à son frère Jean, par exemple dans la pièce de Victor Hugo Lucrèce Borgia.

Contes immoraux sort en france en 1974 à l'époque de la sortie du célèbre d’Emmanuelle (1974). Film dans lequel les scènes ne laisse personne de marbre.La question qui se pose particulièrement pour ce genre de film, au regard de ce que l’on pourrait imaginer être le recul des tabous depuis sa réalisation, est : ces films gardent-ils aujourd’hui leur charge dérangeante ?
On répondra par l’affirmative, même si la fellation n’est plus un acte choquant aujourd’hui. On aurait du mal à trouver à notre époque des œuvres cinématographiques qui ont l’audace d’illustrer l’inceste, sans y inclure une condamnation morale. Les films de Borowczyk au contraire les met en scène en nous montrant le plaisir trouble et puissant qui les caractérise, et auquel, par son entremise, (et c’est là toute la dimension dérangeante de Contes immoraux) nous pouvons découvrir une séduction. Les films de Borowczyk nous montrent que le recul des tabous depuis trente ans n’est qu’apparent.

D’autres transgressions auxquelles se livre le réalisateur sont moins susceptibles de nous toucher, en particulier celle vis-à-vis de l’Eglise catholique – et à cet égard, il faut se rappeler que Borowczyk vient d’un pays très catholique, la Pologne. Dans Sainte Thérèse, la virginité d’une jeune dévote est sérieusement soumise à interrogation. Elle est émue par les candélabres d’une manière bien peu catholique. Lucrèce Borgia, qui clôt les quatre contes, dépeint les vices sans limites de la papauté. Force est de reconnaître qu’une mise en question de l’Eglise, toute violente fût-elle, a perdu aujourd’hui son caractère choquant. On peut voir cependant aussi dans ce thème la reprise d’un classique de la littérature érotique : l’Eglise, censée incarner la vertu et la respectabilité, est en réalité le lieu de toutes les débauches. Il n’est que de citer l’œuvre du marquis de Sade.

Sauf peut-être dans certaines scènes de La Marée, dont la photographie un peu datée peut faire songer à certains films de série B pseudo érotiques de l’époque, un peu ridicules, la façon de filmer n’a globalement pas vieilli. Certaines scènes sont d’une efficace crudité, comme celle de la masturbation, filmée avec une maligne habileté, si bien qu’on a l’impression d’être sur le point d’apercevoir le sexe de la jeune fille. Dans La Marée, Borowczyk parvient à créer un malaise, en transposant le fétichisme du jeune homme, qui ne voit en sa cousine qu’un objet sexuel, ou plutôt des objets sexuels (fesses, bouche) par un cadrage de la jeune femme toujours partiel et sexuel, nous forçant à ce regard voyeuriste et utilitariste. Il faut enfin rendre hommage à certaines images magnifiques du réalisateur, qui nous rappelle ainsi sa formation initiale à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie. Les couleurs de Sainte Thérèse sont splendides, nous offrant une Thérèse d’une blondeur incendiaire, sorte d’Alice au pays des merveilles transposée dans l’univers de la sexualité. Dans le troisième conte, les corps nus sur fond d’étranges pièces peintes en rouge vif créent des tableaux d’une beauté froide. Contes immoraux a reçu le Prix de l’âge d’or au moment de sa sortie en 1974.

Walerian Borowczyk sa vie:
Né à Kwilcz en Pologne en 1923, le futur maître de l'érotique débute sa carrière dans le domaine du dessin et de la lithographie. Il termine ses études à l'Académie des Arts à Varsovie en 1951 et gagne, dès 1953, le grand prix national en graphisme pour ses affiches de cinéma. Il réalise quelques courts-métrages d'animation à partir de 1946, mais c'est en 1957, avec la collaboration de Jan Lenica, qu'il sort de l’ombre avec le film d'animation Byl Sobie Ras... (Il était une fois).En 1963, il crée son premier long-métrage d'animation Le Théâtre de M. et Mme. Kabal une étrange et violente vision de la vie de couple servant de microcosme de la condition humaine. Son premier film ouvertement érotique, Contes Immoraux, apparaît en 1974. C'est un aperçu de la sexualité au travers des âges en quatre épisodes.La scène où Thérèse Philosophe, enfermée dans une remise, se masturbe à l'aide d'un concombre en lisant le chemin de la croix peut sembler vulgaire au premier coup d'oeil, mais il serait superficiel de ne pas la considérer autrement. Cet épisode du film comprend de nombreuses similitudes avec Breaking the Waves de Lars Von Trier.Borowczyk repousse davantage les limites de l'acceptable avec La Bête (1975). Il confrontait cette fois-ci le public avec des scènes graphiques d'accouplements équins, des phallus immenses éjaculant des quantités monstrueuses de sperme et de gros plans de masturbation féminine assez longs pour faire quitter des spectateurs lors d'une représentation à Londres en 1998.
Borowczyk utilise l’érotisme afin d'éveiller des sentiments primaires chez le spectateur. Avec un degré de qualité variant de film en film, Borowczyk nous propose des images soignées d'une grande et puissante sensualité. Dans Emmanuelle 5, il laisse de côté l'exotisme caractéristique de cette série pour mettre en scène au contraire un érotisme très sombre, presque cruel, sans pour autant perdre en sensualité. Les films Borowczyk affichent des désirs que nous n’oserions peut-être jamais mentionner, mais qui font partie des fantasmes journaliers qui surgissent de notre inconscient.Bref, il ne fait que vous présenter la bête qui se trouve en chacun de nous...

 

Contes immoraux
Sortie Cinéma : 1974, France
Durée du film : 99 minutes
Avec : Fabrice Luchini, Lise Danvers, Charlotte Alexandra, Paloma Picasso, Pascale Christophe, Florence Bellami, Jacopo Berinizi et Lorenzo Berinizi
Genre : érotique

Pour aller plus loin: De l'art et du cochon: Libération http://www.liberation.com/page.php?Article=279824

Lun 14 mar 2005 1 commentaire
Wahou! aprés avoir feuilleté l'intégralité de ton blog, je dit et je crie haut et ford qu'il est génial !!! Bravo bravo!!!
mateo - le 15/03/2005 à 11h57