plaisir et jouissance

Un livre expose le tableau peu reluisant de la prostitution africaine en Occident. Edifiant.

L'ouvrage d'Amely-James Koh Bela "Voyage au bout de l'horreur" aurait également pu avoir un tel titre. Cette Camerounaise, militante associative depuis longtemps en guerre contre toutes les formes d'exclusion, a choisi plus direct : " La prostitution africaine en Occident. Vérités, mensonges, esclavages ". Plus qu'autre chose, c'est davantage un cri déchirant du coeur. Un cri de douleur devant la souffrance atroce des victimes de cet engrenage, mais aussi de rage, devant un phénomène qui perdure, semblant narguer ceux qui ne sont pas contents. Et laissant au passage des êtres traumatisés, brisés par des pervers sexuels, dont la libido délirante a concocté des scénarios démoniaques.

Des choses que le commun des mortels n'imaginerait pas. Et que les femmes embarquées dans l'affaire ne découvrent qu'au moment de les subir. " Embarquées " est bien le mot pour la plupart des esclaves sexuelles dont le livre relate le cauchemar. Imaginez, une étudiante qui suit tant bien que mal son cursus académique en Afrique reçoit un jour, d'une " tata gentille ", la proposition de poursuivre ses études en Europe, avec la promesse de gagner beaucoup d'argent en faisant des petits boulots. Une brave coiffeuse plutôt bien de sa personne rencontre un Jules sur Internet et lâche tout pour le suivre. Une autre jeune femme sera même épousée par son " frère " du même pays.

Sur le coup, c'est comme un rêve merveilleux qui se réalise. Mais une fois sur le sol occidental, les choses changent : le sourire du prince charmant se transforme en rictus de prédateur Après des années d'enquêtes, l'auteur a collecté de nombreux témoignages allant dans ce sens. Passeport confisqué, menace, soumission par la drogue, tout ou presque est utilisé par les proxénètes pour obliger les filles à " travailler ". Subir les assauts de clients dont les détails des exigences ne peuvent être mentionnés ici, en raison de leur nature par trop sordide. D'ailleurs, en page 20, l'auteur prévient : " Certains chapitres de cet ouvrage sont volontairement crus et durs, voire même très choquants ". Il faut toutefois boire ces informations amères jusqu'au bout, afin de bien s'imprégner d'une pratique dont la surface peut revêtir une trompeuse banalité.

Rapports sexuels contre-nature, copulation avec des animaux, viols d'enfants rythment ainsi les cycles de cet univers macabre, au sein duquel le client-roi se révèle bien souvent un despote sadique, bien décidé à en avoir pour son argent. En dénonçant ce système, le livre devrait mettre en garde les ingénues vivant sous nos cieux : tout n'est pas rose au pays des blancs.

Selon l’OCRTEH, en 2001, le commerce du sexe rapportait, en France, aux proxénètes 80% des revenus générés par chacune de leurs prostituées, soit 1, 6 milliard d’euros et en 2002 ce chiffre a doublé et a atteint 3, 5 milliards. Cependant les proxénètes ne sont pas les seuls à profiter de cette manne financière surtout dans le cas des Africaines. Car la « solidarité africaine » a aussi ses effets pervers. Et la prostitution le démontre. Quand certains parents n’ont pas eux-mêmes livré leurs enfants sur les célèbres plages sénégalaises bien connues des pédophiles, d’autres continuent bien malgré eux à avilir leur progéniture sans le savoir. Les gains issus de la prostitution sont souvent rapatriés pour faire vivre une famille, investir dans l’immobilier ou dans des petites affaires. Ni les familles, ni l’entourage ne connaîtront jamais l’origine douteuse de ces fonds. La honte ou la mort ont souvent bien raison des victimes qui elles-mêmes ou leurs souteneurs renvoient d’elles des images de la réussite.


"La prostitution africaine en Occident", Amely-James Koh Bela, Editions Sircom, Yaoundé, 2004, 160 pages.

Lolita : Son calvaire commence à Benin City
http://www.afrik.com/article7232.html


Amely-James Koh Bela : « Retrouver les vraies valeurs »
Une vie de lutte contre la prostitution dans les milieux africains en Europe
http://www.afrik.com/article7466.html

Mer 13 avr 2005 Aucun commentaire