plaisir et jouissance
Un livre de Ryû Murakami pas forcément facile à lire mais il permet de découvrir une face cachée du japon. A lire pour ceux qui n'ont pas froid aux yeux.
Ca nest pas une descente aux enfers, cest plutôt le contraire. Après la guerre, une jeunesse japonaise se cherche, ou plutôt se perd dans les méandres de tous les excès possibles. Drogues, sexe, violence, tout est bon pour oublier qui on est. Ryû est à la fois participant et observateur de ces excès, il les ressent avec une acuité amplifiée par le recul. Il ne fera rien pour changer, et pourtant, le changement est déjà en lui.
Dans un style presque clinique, Murakami raconte ce qui fut vraissemblablement sa jeunesse. Passant tantôt de la troisième personne à la narration subjective, il dévide les jours et les nuits, indifférent à lhorreur et à la décadence. Ces orgies, décrites simplement, amènent le lecteur à une fascination morbide, mélange dattirance et de répulsion. Cest quon finit par chercher la vérité dans tout ce désordre, on la recherche activement, dans lespoir de la trouver, simplement parce quon imagine pas quune telle vanité puisse être possible.
A travers les visions des personnages, et surtout leur réaction vis-à-vis de celles-ci, on les découvre le plus en plus, comme dans un miroir. La mise en abyme, provoquée par des scénes calmes de la vie quotidienne, finissent par rapprocher Ryû du sublime, jusquà la révélation prophétique de loiseau noir.
Malgré la noirceur, on en ressort grandi, plein dune nouvelle foi qui ne demande quà séroder face à la réalité.
Un extrait :
« Tes bizarre, Riû : tes pas heureux. Même les yeux fermés, je parie que tessaies de voir des tas de trucs. Je ne sais pas très bien comment te dire, mais du moment que tu trouves quelque chose qui te plaît bien, vraiment bien, pourquoi tirais te creuser la cervelle pour y chercher encore autre chose en plus, tu crois pas ? Mais toi, faut toujours que tessaie de voir autre chose, justement, à toute force, et de prendre des notes comme un savant qui fait de la recherche. Ou même comme un petit gosse. Dailleurs, cest ça que tes, au fond : un gosse. A cet âge-là, on veut tout voir, non ? Un bébé, les gens quil connaît pas, il les regarde avec des grands yeux, puis il rit ou il pleure. La différence, cest que toi, maintenant, si tessayais de les regarder dans les yeux, les gens, tu deviendrais raide dingue dans la seconde. Essaie seulement, je te dis, tiens, avec ceux qui passent dans la rue ; je te jure que tu tiendrais pas le coup longtemps ! Tsais, Ryû, tu devrais pas regarder les choses comme un tout petit enfant. »
Le 21 août 2004 Mario Heimburger