plaisir et jouissance
Tout sur le surf! L'Australienne Fiona Capp explore la question avec une infinie sensibilité. Au moment où le film Brice de Nice triomphe sur les écrans, le nouveau livre de Fiona Capp tombe à point pour rappeler que le surf n'est pas qu'une pratique pour bellâtres décérébrés. Après le magnifique Surfer la nuit, l'Australienne récidive avec Ce sentiment océanique. Le titre est issu d'une lettre de Romain Rolland adressée à Freud. L'écrivain français imaginait la naissance du sentiment religieux dans la sensation d'éternité venue de l'océan, où «l'enfant et le monde ne font qu'un». Selon Fiona Capp, «peu d'images expriment mieux cette "unité" primale que celle du surfeur recroquevillé, comme en position fœtale, à l'intérieur du tube de cristal d'une vague qui se brise».
Lorsqu'elle s'est lancée dans la rédaction de cet ouvrage, la jeune femme pensait exposer sa condition de mère de famille quadragénaire, ayant laissé sa planche au garage depuis ses vingt ans pour une autre passion: le journalisme. En retrouvant ce sport, sur le papier, l'ancienne surfeuse désirait réunir la sensation de la glisse et son amour pour la littérature. La lecture n'est-elle pas une sorte de surf, où l'œil fait office de planche? Mais Fiona Capp s'est laissé dépasser par son modeste projet initial en joignant toutes les approches possibles sur le sujet. Et si le surf a inspiré de nombreux romans, sociologues ou philosophes (Deleuze évoquant sa théorie du «pli» selon les surfeurs dans L'abécédaire, c'est irrésistible!), jamais personne n'avait su jusqu'alors si bien l'appréhender. A travers un récit de voyage sur les plages australiennes (en passant par Honolulu ou Biarritz!), l'écrivaine raconte aussi bien son histoire à elle que les origines du surf (chez les indigènes du Pacifique) ou l'invasion des hippies sur les côtes. Avec une grande fluidité, Fiona Capp réussit à passer d'une interprétation psychanalytique des vagues à l'évocation physique de cette pratique à la fois profondément individualiste (un homme seul avec sa planche) et résolument communautaire (une certaine jeunesse rebelle - ou revendiquée comme telle). Ce sentiment océanique ne sombre jamais dans le didactisme. Tout est question de communion entre le corps et l'esprit, le style et le contenu. Son «échec» en tant que surfeuse de haut niveau aura permis à Fiona Capp de signer un livre miraculeux, entre revanche, érudition et mélancolie. Serait-ce ce qu'on appelle l'écume des jours?
Ce sentiment océanique, qui vient de paraître, est le prolongement intime de son premier roman, Surfer la nuit.
Plus sur elle:
En tant qu’écrivain en Australie, avez-vous des difficultés pour vivre ?
Fiona Capp. Oui assurément. Je gagne de l’argent grâce à mon travail de journaliste indépendante : j’écris des critiques de livres chaque semaine pour The Age, le quotidien de Melbourne. Si je ne faisais qu’écrire des livres, je ne pourrais pas survivre. Je suis malgré tout chanceuse car j’appartiens à une génération où il existe bien plus de possibilités d’être publié que la précédente. Depuis vingt-cinq ans, la littérature australienne a vraiment décollé. Des gens se plaignent d’ailleurs que trop de romans soient publiés... Je ne pense pas, en effet, que les Australiens respectent autant les écrivains que les Européens. Les Australiens insistent surtout sur le sport, l’extérieur et la vie physique. Ainsi, dans le passé, la littérature et les arts ont été sous-évalués. Maintenant, l’art est plus apprécié, mais nous possédons une tradition, venue des pionniers qui veut que la vie soit une lutte pour la survie. Il n’y avait donc pas de possibilités de profiter des finesses de la vie et de la culture.
"Je sais que c'est une idée de dingue. Je ne surfe plus depuis quinze ans. Parfois, quand on parle de surf, je glisse dans la conversation que j'ai gardé ma combinaison et ma planche et que je compte bien m'y remettre un jour", avoue-t-elle.
Surfer la nuit, l'histoire:
Hannah abandonne ses études pour un petit boulot près des baies fréquentée par les surfeurs, au sud de Melbourne. Ce ne sont pas des athletes photogeniques, soucieux de competition et de frime, mais des Australiens silencieux pour qui comptent, plus que l'amour d'une femme, l'attirance de la mer, l'attente de la vague qui porte et entraîne à une vitesse démente...
Les baies traversées de courants, et les vagues monstrueuses venues de loin leur servent de terrains de jeux. Dans ce roman où comme des vagues reviennent certains passages, les personnages sont hantés. Même leurs rêves appartiennent à l'ocean.
Hannah envie leur aisance, qu'elle voudrait acquerir ; elle sent bien que le surf est aussi une attitude devant la vie. Jake, pourtant si réservé, lui a confié qu'"Il a toujours rêvé de surfer la nuit, de découvrir ce qui n'apparaît pas sous le soleil étincelant. De nuit, il lui faudra surfer à l'oreille, sentir l'océan et le gonflement des vagues.."Pour lui, surfer est une activité dont il ne cerne pas toutes les motivations : "En se lancant dans le noir,il pourrait se rapprocher de l'endroit où sa mère s'en etait allée"[...]"Le passé était un trou noir qui cherchait sans cesse à vous entraîner en lui. C'etait comme un courant sous l'eau auquel on cessait de résister en esperant que, lorsqu'il aurait fini de vous entraîner au fond, une vague viendrait qui vous ramènerait à la surface".
Les choix sont faits : l'opposition entre Melbourne et l'existence dans ces endroits déserts, la liberté des désirs et l'intensité des sensations contre la vie organisée et reglementée.
Ce roman est un hymne à l'océan. Il ne faut pas entrer à petits pas dans l'univers de Fiona Capp, mais le goûter à longues gorgées.
Plus de livre:
le Crépuscule de la raison
Extrait de l'Humanité / Le monde / Lire
Lorsqu'elle s'est lancée dans la rédaction de cet ouvrage, la jeune femme pensait exposer sa condition de mère de famille quadragénaire, ayant laissé sa planche au garage depuis ses vingt ans pour une autre passion: le journalisme. En retrouvant ce sport, sur le papier, l'ancienne surfeuse désirait réunir la sensation de la glisse et son amour pour la littérature. La lecture n'est-elle pas une sorte de surf, où l'œil fait office de planche? Mais Fiona Capp s'est laissé dépasser par son modeste projet initial en joignant toutes les approches possibles sur le sujet. Et si le surf a inspiré de nombreux romans, sociologues ou philosophes (Deleuze évoquant sa théorie du «pli» selon les surfeurs dans L'abécédaire, c'est irrésistible!), jamais personne n'avait su jusqu'alors si bien l'appréhender. A travers un récit de voyage sur les plages australiennes (en passant par Honolulu ou Biarritz!), l'écrivaine raconte aussi bien son histoire à elle que les origines du surf (chez les indigènes du Pacifique) ou l'invasion des hippies sur les côtes. Avec une grande fluidité, Fiona Capp réussit à passer d'une interprétation psychanalytique des vagues à l'évocation physique de cette pratique à la fois profondément individualiste (un homme seul avec sa planche) et résolument communautaire (une certaine jeunesse rebelle - ou revendiquée comme telle). Ce sentiment océanique ne sombre jamais dans le didactisme. Tout est question de communion entre le corps et l'esprit, le style et le contenu. Son «échec» en tant que surfeuse de haut niveau aura permis à Fiona Capp de signer un livre miraculeux, entre revanche, érudition et mélancolie. Serait-ce ce qu'on appelle l'écume des jours?
Ce sentiment océanique, qui vient de paraître, est le prolongement intime de son premier roman, Surfer la nuit.
Plus sur elle:
En tant qu’écrivain en Australie, avez-vous des difficultés pour vivre ?
Fiona Capp. Oui assurément. Je gagne de l’argent grâce à mon travail de journaliste indépendante : j’écris des critiques de livres chaque semaine pour The Age, le quotidien de Melbourne. Si je ne faisais qu’écrire des livres, je ne pourrais pas survivre. Je suis malgré tout chanceuse car j’appartiens à une génération où il existe bien plus de possibilités d’être publié que la précédente. Depuis vingt-cinq ans, la littérature australienne a vraiment décollé. Des gens se plaignent d’ailleurs que trop de romans soient publiés... Je ne pense pas, en effet, que les Australiens respectent autant les écrivains que les Européens. Les Australiens insistent surtout sur le sport, l’extérieur et la vie physique. Ainsi, dans le passé, la littérature et les arts ont été sous-évalués. Maintenant, l’art est plus apprécié, mais nous possédons une tradition, venue des pionniers qui veut que la vie soit une lutte pour la survie. Il n’y avait donc pas de possibilités de profiter des finesses de la vie et de la culture.
"Je sais que c'est une idée de dingue. Je ne surfe plus depuis quinze ans. Parfois, quand on parle de surf, je glisse dans la conversation que j'ai gardé ma combinaison et ma planche et que je compte bien m'y remettre un jour", avoue-t-elle.
Surfer la nuit, l'histoire:
Hannah abandonne ses études pour un petit boulot près des baies fréquentée par les surfeurs, au sud de Melbourne. Ce ne sont pas des athletes photogeniques, soucieux de competition et de frime, mais des Australiens silencieux pour qui comptent, plus que l'amour d'une femme, l'attirance de la mer, l'attente de la vague qui porte et entraîne à une vitesse démente...
Les baies traversées de courants, et les vagues monstrueuses venues de loin leur servent de terrains de jeux. Dans ce roman où comme des vagues reviennent certains passages, les personnages sont hantés. Même leurs rêves appartiennent à l'ocean.
Hannah envie leur aisance, qu'elle voudrait acquerir ; elle sent bien que le surf est aussi une attitude devant la vie. Jake, pourtant si réservé, lui a confié qu'"Il a toujours rêvé de surfer la nuit, de découvrir ce qui n'apparaît pas sous le soleil étincelant. De nuit, il lui faudra surfer à l'oreille, sentir l'océan et le gonflement des vagues.."Pour lui, surfer est une activité dont il ne cerne pas toutes les motivations : "En se lancant dans le noir,il pourrait se rapprocher de l'endroit où sa mère s'en etait allée"[...]"Le passé était un trou noir qui cherchait sans cesse à vous entraîner en lui. C'etait comme un courant sous l'eau auquel on cessait de résister en esperant que, lorsqu'il aurait fini de vous entraîner au fond, une vague viendrait qui vous ramènerait à la surface".
Les choix sont faits : l'opposition entre Melbourne et l'existence dans ces endroits déserts, la liberté des désirs et l'intensité des sensations contre la vie organisée et reglementée.
Ce roman est un hymne à l'océan. Il ne faut pas entrer à petits pas dans l'univers de Fiona Capp, mais le goûter à longues gorgées.
Plus de livre:
le Crépuscule de la raison
Extrait de l'Humanité / Le monde / Lire
Mar 23 aoû 2005
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