plaisir et jouissance
Un instantané de la presse de la semaine. Où l'on redécouvre que l'orgasme est synonyme de liberté et la pornographie de contrainte.
Comment l'Occident, à son corps défendant, a inventé, avec l'orgasme, la liberté sexuelle.
Par Jean-Baptiste MARONGIU
En ces temps qui sont les nôtres où le droit à l'orgasme n'est dénié à personne (comme à l'inconscient, d'ailleurs) et où la recherche de la jouissance sexuelle (entre adultes consentants) est fortement encouragée telle une vertu publique Ñ on a du mal à imaginer que les choses ne sont ainsi que depuis les années 1960. Non pas évidemment qu'on ait inventé alors la copulation, outre la pilule et Cohn-Bendit, mais au sens où l'orgasme a commencé à devenir, à cette époque bénie, une fin en soi pour n'importe quel sexe, âge et condition, seul ou en compagnie. Dans l'Orgasme et l'Occident, Robert Muchembled en donne une démonstration, en ajoutant un chapitre original à l'histoire de la sexualité. Cependant, son «histoire du plaisir du XVIe siècle à nos jours» ne suit pas, contrairement à d'autres, un tracé linéaire de la marche de la modernité vers la libération du plaisir sexuel, mais explore un parcours contrasté d'une «civilisation» des moeurs faite d'ouvertures et de glaciations et même de longs retours en arrière débouchant finalement sur l'actuelle révolution de l'orgasme pour tous que rien pourtant ne laissait présager au départ.
Une question posée à l'auteur du livre: Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur le rôle de la prostitution au 19e siècle, et comment s'est opéré ce glissement à ce sujet, d'une clientèle prolétaire d'origine rurale, à une clientèle composée majoritairement de la bourgeoisie?
C'est tout simplement l'invention des grosses villes. Cela a commencé au 18e siècle à Paris et à Londres, des villes qui faisaient à l'époque 600.000 habitants et un peu plus. Les filles de la campagne venaient y chercher du travail, elles devenaient aisément prostituées quand elle n'en trouvaient pas. Au 19e siècle, les mêmes villes ont explosé démographiquement, c'est la révolution industrielle, et elles ont développé des groupes sociaux bourgeois, beaucoup plus nombreux et aisés qu'auparavant à côté d'une masse prolétarisée. Donc la prostitution a pris deux chemins différents. Une prostitution de masse pour les prolétaires, de malheureuses filles vite usées et une prostitution de luxe pour les riches avec des bordels luxueux, des filles qui étaient des mondaines ou des semi-mondaines, qui étaient des ouvrières ou des filles de la bourgeoisie; cette deuxième prostitution est censée donner du plaisir aux hommes alors que leur épouse est frigide, pense-t-on, si bien qu'ils ont le droit tacitement de fréquenter cet univers de deuxième prostitution. C'est ce que l'on peut appeler le double standard: l'homme marié ou le jeune homme, bourgeois, vit avec son épouse pour le premier pour faire des enfants et fréquente les prostituées ou le bordel pour son plaisir. Mais la femme honnête n'a pas le droit à la même chose bien sûr et les médecins pensent même qu'elle ne s'intéresse pas au sexe. La prostitution de deuxième type est nécessaire dans l'état d'esprit des couches moyennes et des couches aisées pour compenser la frigidité de l'épouse et la banalité de la vie familiale.
Deux adolescents sur trois ont vu des films pornographiquesLe Monde
Elle est loin, l'époque où les adolescents s'échangeaient des magazines érotiques et les cachaient sous leur matelas. Désormais, les jeunes visionnent des images ou des films pornographiques à la télévision, en vidéo ou sur Internet.
D'après une étude réalisée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), sous la direction de l'épidémiologiste Marie Choquet, 62 % des 14-18 ans 80 % des garçons et 45 % des filles ont regardé des images pornographiques durant les douze derniers mois. Le petit écran demeure la principale source de ces images, loin devant la vidéo et Internet.
C'est à la demande du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) que des questions sur la pornographie ont été introduites dans le volet français de la dernière enquête Espad (European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs), menée au printemps 2003 par l'Inserm en partenariat avec l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) auprès d'un échantillon de quelque 10 000 élèves scolarisés de la quatrième à la terminale.
Cette étude dont l'analyse des résultats a fait l'objet d'un rapport permet, pour la première fois, d'appréhender la fréquence du visionnage d'images pornographiques par les adolescents et de cerner les caractéristiques sociales et personnelles des jeunes qui regardent ces images. Surtout, elle tente de cerner le poids de ces images comme facteurs de troubles ou d'adoption de conduites à risque.