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Suite de notre connaissance de ce pays continent.
Depuis que Janet Jackson a exhibé en direct un bout de sein, télés et radios américaines subissent les foudres d'un nouvel ordre moral.
Le geste était innocent. En montrant un sein, le 1er février, lors du show de mi-temps de la finale du Superbowl, le championnat de football américain, la chanteuse Janet Jackson essayait avant tout de promouvoir son prochain disque. Elle ignorait que l'affaire provoquerait le plus spectaculaire retour de l'ordre moral auquel on ait assisté depuis les années Nixon. Les républicains du Congrès, qui préparent la présidentielle de novembre, proposent de multiplier presque par 20 la sanction maximale pour propos ou images indécents. Celle-ci passerait de 27 500 dollars (31 000 euros) à 0,5 million (575 000 euros).
Le temps n'est plus où même les mots «enceinte» et «WC» étaient, comme il y a cinquante ans, jugés trop scabreux pour les programmes familiaux à la télévision. La Commission fédérale des télécommunications (Federal Communications Commission, FCC), garante de la pureté des ondes, assure prendre en compte le contexte, l'état des murs et le droit à la libre expression pour répondre aux plaintes et bannir toute «obscénité» sur les télévisions et radios hertziennes. Mais elle proscrit toujours, entre 6 heures et 22 heures, «les images ou propos indécents «suggérant l'acte sexuel ou les excrétions humaines» et les insultes les plus grossières. Et, depuis quelque temps, les autorités doivent faire face aux incartades de plus en plus fréquentes des chaînes grand public, talonnées par la concurrence du câble, où la liberté est la règle. D'où une certaine crispation...
Depuis le scandale du Superbowl, les producteurs du feuilleton Urgences ont jugé prudent de couper un plan fugace du torse d'une octogénaire hospitalisée. Dans Without a Trace, série policière pourtant diffusée après 22 heures, les fesses d'un suspect jaillissant de sa baignoire pour échapper aux flics ont disparu au montage. Même le direct perd de sa fraîcheur. La FCC, qui avait d'abord pardonné à Bono, le chanteur de U 2, d'avoir lancé «Fucking brilliant!» en recevant son trophée lors de la cérémonie des Golden Globes en 2003, a finalement, quatorze mois plus tard, rouvert son dossier et émis un blâme. Pour la première fois de son histoire, la cérémonie des Oscars a été retransmise avec un léger différé, suffisant pour pouvoir «biper» les éventuels dérapages verbaux des lauréats. Un délai de cinq secondes est aussi imposé aux interviews de sportifs, pendant les mi-temps de basket ou de football américain, par crainte de jurons intempestifs, et même - comble du zèle - à une émission de jeu pour préados, U-Pick Live, diffusée par la chaîne pour enfants Nickelodeon.
La censure compte ses premiers martyrs: Bubba the Love Sponge (Todd Clem), gros dégueulasse patenté des ondes de Floride, et Howard Stern, idole, depuis vingt ans, de la radio cochonne matinale. Ils ont été interdits d'antenne par le réseau Clear Channel, la veille de la comparution de John Hogan, patron du groupe, devant une commission du Congrès sur la décence dans les médias. Les auditeurs de Howard Stern, 8 millions de mâles blancs, dont les républicains convoitent les voix pour l'élection de novembre, pourraient s'en souvenir. Janet ne s'attendait pas à un tel tohu-bohu pour un bout de sein.
L'express Philippe Coste
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