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Je sais c'était hier soir sur arte mais bon il faut toujours informer plustot que vivre dans l'ignorance.
Sofia Ent fait témoigner des femmes dorigine arabo-musulmane de France.
Les souvenirs occupent une bonne place dans les témoignages de ces musulmanes, mais où en est la réalité daujourdhui ?
Sofia Ent. Lidée pour moi était de trouver des femmes libres dans leur parole. Des musulmanes acceptent de parler, certaines à visage caché. Mais souvent, chez ces femmes, le discours est assez faux. Celles que jai choisi de garder ont livré des choses de « lautre côté », ce que javais envie de raconter. Aujourdhui, le monde connaît les problèmes des banlieues. La difficulté des jeunes femmes à vivre leur sexualité. Cela a été fait et refait. Je voulais éviter un énième film sur ces problèmes. À mon avis, il y a une vraie crispation identitaire qui naide pas à une libération. La croyance que lislam est responsable de tout cela est faux : les prescriptions antifemmes relèvent dune tradition arabo-musulmane. En France, il y a un vrai repli identitaire lié à un contexte économique, à la ghettoïsation, à une vraie désespérance. En même temps on reproduit des schémas extrêmement archaïques. Et très machistes.
Quelles sont les raisons qui poussent certaines femmes à cacher leurs visages ?
Sofia Ent. La plus jeune dentre elles ne voulait pas témoigner à visage découvert de peur dêtre la cible de sa famille en Algérie. Une autre, vivant dans une cité, craignait pour elle-même. Déjà le fait de vivre seule dans une cité lui cause problème car elle est souvent la cible de petits caïds du quartier. Parler sexualité dans ce contexte est très compliqué. Les insultes fusent très vite.
Pourquoi avoir choisi les « gros plans » pour traiter le sujet ?
Sofia Ent. Jai voulu vraiment effacer la réalisation. Elle est vraiment minimale et cétait volontaire. Avec les gros plans cest toute lintimité des entretiens que jai voulu retranscrire en donnant toute leur dimension. Faire gros car le sujet na pas été souvent abordé.
De la bouche de musulmanes, le parler semble « cru ». Est-ce voulu ?
Sofia Ent. Ce nest pas un choix. Il y avait la volonté de ces femmes de témoigner. Lidée de se libérer. De récupérer un peu leur sexualité et de saffirmer en tant que femmes. Cest leur langage. Ce que je voulais, cétait quelles parlent vrai. Je ne trouve pourtant pas leurs mots très crus car elles ont gardé beaucoup de pudeur.
Le caractère tabou du sexe pour les musulmanes est-il plus ou moins en train dêtre levé ?
Sofia Ent. Il y a encore énormément de batailles à mener avant la levée de ce tabou. Les associations qui luttent au quotidien pour que les femmes se récupèrent ne sont pas près de terminer leur travail. Même Ni putes ni soumises névoque pas le problème. Cest toujours, à juste titre dailleurs, le problème des violences qui est pris en compte. Jai rencontré beaucoup de militants de Ni putes, ni soumises pour ce documentaire et ils disent ne pas en être là. Pourtant, la bataille de la sexualité doit se faire aujourdhui. Cest la racine et tout naît de là. Les jeunes des banlieues se réfèrent à une tradition qui leur a été mal transmise.
Peut-on croire au changement avec le nouveau Code de la famille imposé par le roi au Maroc ?
Sofia Ent. Le deuxième film est sur les réformes au Maroc. Jai conversé avec beaucoup de femmes marocaines. Elles disent organiser des groupes de paroles sur la sexualité parce que cest un véritable cheval de bataille. Il faut déjà que le couple fonctionne et je pense que cela passe par un changement en profondeur. Pour le nouveau Code de la famille imposé par le roi Mohammed VI, je dis : « Dieu soit loué. » Jespère que ça va évoluer. La mentalité doit changer au niveau des hommes mais aussi des femmes. Cest terrible de voir un traditionalisme véhiculé par la mère. Elles ont vécu des « trucs » pas très heureux et elles reproduisent le schéma de façon assez tyrannique. Cest quelque chose qui ma beaucoup touché.
Fernand Nouvet - l'humanité
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