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Mercredi 9 février 3 09 /02 /Fév 00:00

Je sais c'était hier soir sur arte mais bon il faut toujours informer plustot que vivre dans l'ignorance.

 

Sofia Ent fait témoigner des femmes d’origine arabo-musulmane de France.

Les souvenirs occupent une bonne place dans les témoignages de ces musulmanes, mais où en est la réalité d’aujourd’hui ?

Sofia Ent. L’idée pour moi était de trouver des femmes libres dans leur parole. Des musulmanes acceptent de parler, certaines à visage caché. Mais souvent, chez ces femmes, le discours est assez faux. Celles que j’ai choisi de garder ont livré des choses de « l’autre côté », ce que j’avais envie de raconter. Aujourd’hui, le monde connaît les problèmes des banlieues. La difficulté des jeunes femmes à vivre leur sexualité. Cela a été fait et refait. Je voulais éviter un énième film sur ces problèmes. À mon avis, il y a une vraie crispation identitaire qui n’aide pas à une libération. La croyance que l’islam est responsable de tout cela est faux : les prescriptions antifemmes relèvent d’une tradition arabo-musulmane. En France, il y a un vrai repli identitaire lié à un contexte économique, à la ghettoïsation, à une vraie désespérance. En même temps on reproduit des schémas extrêmement archaïques. Et très machistes.

Quelles sont les raisons qui poussent certaines femmes à cacher leurs visages ?

Sofia Ent. La plus jeune d’entre elles ne voulait pas témoigner à visage découvert de peur d’être la cible de sa famille en Algérie. Une autre, vivant dans une cité, craignait pour elle-même. Déjà le fait de vivre seule dans une cité lui cause problème car elle est souvent la cible de petits caïds du quartier. Parler sexualité dans ce contexte est très compliqué. Les insultes fusent très vite.

Pourquoi avoir choisi les « gros plans » pour traiter le sujet ?

Sofia Ent. J’ai voulu vraiment effacer la réalisation. Elle est vraiment minimale et c’était volontaire. Avec les gros plans c’est toute l’intimité des entretiens que j’ai voulu retranscrire en donnant toute leur dimension. Faire gros car le sujet n’a pas été souvent abordé.

De la bouche de musulmanes, le parler semble « cru ». Est-ce voulu ?

Sofia Ent. Ce n’est pas un choix. Il y avait la volonté de ces femmes de témoigner. L’idée de se libérer. De récupérer un peu leur sexualité et de s’affirmer en tant que femmes. C’est leur langage. Ce que je voulais, c’était qu’elles parlent vrai. Je ne trouve pourtant pas leurs mots très crus car elles ont gardé beaucoup de pudeur.

Le caractère tabou du sexe pour les musulmanes est-il plus ou moins en train d’être levé ?

Sofia Ent. Il y a encore énormément de batailles à mener avant la levée de ce tabou. Les associations qui luttent au quotidien pour que les femmes se récupèrent ne sont pas près de terminer leur travail. Même Ni putes ni soumises n’évoque pas le problème. C’est toujours, à juste titre d’ailleurs, le problème des violences qui est pris en compte. J’ai rencontré beaucoup de militants de Ni putes, ni soumises pour ce documentaire et ils disent ne pas en être là. Pourtant, la bataille de la sexualité doit se faire aujourd’hui. C’est la racine et tout naît de là. Les jeunes des banlieues se réfèrent à une tradition qui leur a été mal transmise.

Peut-on croire au changement avec le nouveau Code de la famille imposé par le roi au Maroc ?

Sofia Ent. Le deuxième film est sur les réformes au Maroc. J’ai conversé avec beaucoup de femmes marocaines. Elles disent organiser des groupes de paroles sur la sexualité parce que c’est un véritable cheval de bataille. Il faut déjà que le couple fonctionne et je pense que cela passe par un changement en profondeur. Pour le nouveau Code de la famille imposé par le roi Mohammed VI, je dis : « Dieu soit loué. » J’espère que ça va évoluer. La mentalité doit changer au niveau des hommes mais aussi des femmes. C’est terrible de voir un traditionalisme véhiculé par la mère. Elles ont vécu des « trucs » pas très heureux et elles reproduisent le schéma de façon assez tyrannique. C’est quelque chose qui m’a beaucoup touché.

Fernand Nouvet - l'humanité

 

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