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Mercredi 23 février 3 23 /02 /Fév 00:00

Un article intéressant sur des questions trop souvent delaissées du champ des études et de la réflexion. Même si beaucoup de nous sont des amateurs du genre.

Bonne lecture à tous.

Linda Williams, a dirigé le livre «Porn Studies» Comment est né le concept de Porn Studies ?

Au départ, en tant qu'universitaire, je préparais un livre sur le corps et sa représentation. Dans le cadre de mes recherches, j'avais prévu un chapitre sur la pornographie. C'est en commençant à y travailler que je me suis aperçue à quel point j'étais moi-même victime d'idées reçues sur cette question. Mon angle était celui d'une féministe très classique : j'abordais le sujet avec des réflexes comme celui de la soumission de la femme, sa transformation en objet ou la question du regard masculin unilatéral. Mais je me suis rendu compte que ces idées étaient fausses, que tout un pan du cinéma porno y échappait. J'ai découvert que le porno avait une histoire, des évolutions, une culture. Du coup, ce chapitre est devenu le coeur d'un autre travail, l'étude de la pornographie. C'est ainsi que j'ai publié Hard Core : Power, Pleasure and the Frenzy of the Visible, en 1989. A l'époque s'affrontaient des positions féministes antagonistes. Mon livre, dans ce débat, plaidait en faveur d'une étude du cinéma pornographique en tant que genre spécifique. La question centrale est celle de la représentation : comment figurer le plaisir sexuel ? C'est le fascinant défi que relève la pornographie. J'ai décidé d'en faire le sujet de mes cours et j'ai rassemblé sous le titre de Porn Studies une anthologie des meilleurs travaux produits autour de ces questions.

Vous définissez-vous comme féministe ?

Il faut distinguer deux courants du féminisme américain : le féminisme antipornographique, que l'on peut qualifier de puritain, et le féminisme anticensure. A l'époque de la publication de Hard Core, le porno était le bouc émissaire des discours féministes. Il y a eu des débats très tendus. J'ai toujours pensé que c'était une énergie gâchée : pourquoi combattre le porno et non pas les causes premières de l'oppression des femmes, dont le porno n'est pas responsable ? Je me définis donc comme une féministe «pro-sex», selon les termes en vogue dans le mouvement universitaire des gender studies, des gay and lesbian studies, des queer studies.

Comment Porn Studies a-t-il été reçu ?

La réception du livre a été plutôt favorable lors de sa sortie, en juillet dernier. Il a réalisé de bonnes ventes mais n'a pas soulevé de débat majeur. Depuis 1989, les choses ont beaucoup évolué. Il est aujourd'hui admis que le porno puisse être un objet d'étude. C'est un point focal de nos sociétés, révélateur de beaucoup de problèmes connexes qui touchent aux questions raciales, aux identités, au genre et, bien sûr, à la sexualité. Je n'aime pas tellement le mot, mais je trouve le porno... «libérateur».

Le livre établit des différences entre les pornographies homo- et hétérosexuelles.

Ce sont deux histoires parallèles. Le porno gay est plus «célébratoire», les questions de pouvoir sont beaucoup plus importantes dans le porno hétérosexuel. C'est d'ailleurs l'aspect auquel mes élèves féminines sont le plus sensibles. Chez les gays, les représentations du pouvoir sont beaucoup plus ludiques et surtout fréquemment réversibles, ce qui change tout.

La pornographie devient-elle respectable ?

En tout cas, le monde professionnel du X est avide d'attention et de respect. J'ai participé à des conférences réunissant le monde porno professionnel et des universitaires. C'était très intéressant. Les interventions ont été regroupées en un recueil intitulé Anthology Porn 101. Les gens du X trouvaient là une forme de la légitimité qu'ils recherchent tant. Je me suis également rendue à la cérémonie des AVN Awards (les «oscars» du X, remis chaque année à Las Vegas sous le haut patronage de la revue Adult Video News, ndlr). Mais Hollywood et le cinéma porno appartiennent à deux mondes étanches. Les passages de l'un à l'autre sont rarissimes, aussi bien pour les cinéastes que pour les acteurs.

Comment interprétez-vous la forte croissance des industries pornographiques ?

Je me considère comme trop foucaldienne pour ne pas replacer la prolifération de l'image pornographique dans le contexte de l'explosion des discours sur la sexualité dans la culture contemporaine. Nous vivons dans un monde où il est important de trouver les moyens d'apprendre ce que sont la sexualité et le plaisir à travers leurs représentations. Je ne sais pas si c'est bien ou mal : c'est comme ça, et il est de mon devoir de regarder les choses en face. La sexologie, la pornographie font partie de ce mouvement global. Il y a quelques années, mes étudiants n'étaient pas tous familiers de l'image porno. Aujourd'hui, on ne trouve plus un seul étudiant qui n'aurait jamais vu de pornographie, y compris chez les étudiantes. Par ailleurs, si le porno est aussi populaire, c'est précisément parce qu'Hollywood lui a tourné le dos ! Le cinéma standard a tracé une ligne infranchissable : la représentation frontale et explicite du sexe. Tant qu'Hollywood s'y refusera, le cinéma porno sera là pour combler ce vide.

Linda Williams est prof de cinéma et de rhétorique à l'université de Berkeley (Californie). Depuis 1989 et la publication de Hard Core, elle a développé l'étude académique du cinéma X et de la pornographie, et en a rassemblé les meilleures recherches dans le livre collectif Porn Studies.

Libération - 02/2005

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