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Je m’appelle Aline, j’ai vingt-cinq ans, je viens du Nord de la France. À vingt-trois ans, j’ai décidé de me réorienter. En effet, après des études de commerce, j’avais beaucoup de mal à trouver un travail stable et j’en souffrais. J’ai donc accepté une offre d’emploi dans une société spécialisée dans l’exploitation du bois dans les Landes et en deux ans je suis passée de simple gratte-papier à un poste où je gérais moi-même certaines parcelles.
Gérer une parcelle, ce n’est pas sorcier mais il faut s’en occuper, y aller souvent et surveiller ce qui peut détruire ce qui y pousse. C’est ainsi que fin avril je me retrouvai à patrouiller le long de ces grands chemins coupe-feu si communs dans les Landes. En parcourant à pied un embranchement plus petit je notai la présence de traces de pneus, chose assez rare dans certaines parcelles mais cela arrivait parfois. En suivant ces traces sur une centaine de mètres je trouvai le lieu où des touristes avaient dû venir s’amuser. J’étais rassurée : pas de trace de feu. Ouf ! Je ramassai par acquit de conscience une bouteille en plastique laissée là et, tout proche, je découvris une carte de visite. Elle était beige et il était écrit dessus en lettres capitales noires SPARTE ainsi qu’une boite postale sur Bordeaux et en petits caractères au bas de la carte un numéro : 9704126. Je la pris avec moi et continuai ma tournée.
Deux semaines plus tard, alors que je discutais avec des collègues et qu’ils me racontaient avoir surpris un couple en fâcheuse posture dans une de leurs parcelles, je leur ai demandé si c’était pratique courante. Ils me confièrent, ce que je pensais déjà, que certaines personnes s’adonnaient à des plaisirs en couple et parfois à l’échangisme dans la forêt des Landes, bien à l’abri des regards.
Je suis brune et un peu en surpoids. Oh, très légèrement ! Je viens d’une famille très stricte côté éducation : un père militaire et une mère au foyer. De plus, je suis fille unique. J’ai gagné ma liberté par mes études que j’ai effectuées loin de ma famille. Côté vie personnelle, j’ai eu quelques petits copains, quelques petites aventures, dont une plus longue lorsque je travaillais dans une banque. Après avoir essayé de la conserver malgré la distance, notre relation s’était finie sans larmes quelques mois auparavant. Depuis, je m’intéressais un peu plus aux hommes autour de moi, sans trouver celui qui me ferait craquer et comme je vivais près de mon travail, ce qui est pratique et pas cher dans une petite ville, je ne sortais pas tous les soirs.
C’est en fait mi-mai, lors d’une sortie sur Bordeaux, la grande ville, que j’ai repensé à cette carte qui était toujours dans une boîte dans mon coffre. Je l’ai ressortie et je me suis dirigée vers l’adresse indiquée. Cela avait tout l’air d’une boîte postale et je fus un peu surprise d’y trouver non pas un bureau de poste mais un petit immeuble de style. Parmi les plaques de cuivre à l’entrée, entre cabinets d’avocat et de consultants, il y avait ce nom : SPARTE – Relations publiques. Bof ! Pas de quoi fouetter un chat.
Mais la porte s’ouvrit soudain. Un couple sortait, accompagné par un homme habillé d’un joli costume. Se tournant vers moi il me demanda :
— Mademoiselle, je peux vous aider ?
— Euh, non… Enfin, si. J’ai trouvé cette carte… sur… enfin, là où je travaille. En fait, dans la forêt des Landes. Je travaille pour B. & M. Export. Elle semble appartenir à quelqu’un de cet immeuble, et de cette société-là, dis-je en lui montrant la plaque. Elle est peut-être à vous ?
— C’est en effet à moi, et j’appartiens à cette société, madame.
Il tendit la main afin que je lui remette la carte.
— Je vous remercie, mademoiselle… ?
— Aline Arnault.
— Enchanté, Aline. Je m’appelle Alain. Merci encore de nous l’avoir rapportée.
— Pardonnez-moi, que fait votre société ?
— Nous… euh… nous sommes dans le développement personnel. Merci encore, et au revoir.
Et la porte se referma.
Le treize juin, je me souviens encore de la date, alors que je parcourais à pied ma parcelle pour vérifier si certains arbres plus rabougris devaient être marqués pour être coupés, j’ai remarqué la présence d’une voiture sur un des chemins de traverse. Je m’approchai pour voir si c’était un collègue ou des touristes perdus. Arrivée à quelques mètres de la voiture je vis des personnes s’afférer entre les arbres un peu plus loin. Je stoppai net. Il y avait là trois hommes autour d’une femme entièrement nue. Intriguée, je me baissai dans les genets pour observer la scène. Je n’entendais pas tout de là où j’étais mais les hommes parlaient fort et vulgairement, et la femme ne semblait pas répondre. Elle marchait à quatre pattes. Un des hommes la frappait mais elle ne criait pas, elle avait une sorte de bâillon, enfin quelque chose sur la bouche. Elle avait la trentaine. Je réfléchissais. Que faire ?
Je regardai de nouveau : les hommes étaient sur elle et la prenaient de manière virile. Ils changeaient de position, lorsque l’un d’entre eux se mit à marcher pour, semblait-t-il, retourner à la voiture. Il passa près de moi. Je reconnus Alain.
Il prit un sac et retourna vers ses amis. Ils étaient occupés. J’en profitai pour filer discrètement. Ce spectacle ne m’avait pas laissée de marbre. Je dois dire que je n’avais jamais regardé un autre couple faire l’amour, et encore moins plusieurs personnes le faire ensemble. J’essayais de sortir ces images de ma tête mais comme vous savez, plus on essaye et plus on y pense… Ce soir-là, dans ma douche je me masturbai en pensant à ce que j’avais vu.
Deux jours après, j’allais partir lorsqu’un des contremaîtres qui s’occupaient du marquage est venu me voir sur le parking de la société. On parla boulot. Il me demanda ce que je pensais du marquage des arbres de la parcelle 746.
— Il a été bien fait.
— Est-ce que tu n’as rien remarqué, Aline ?
— Non ?
— Sûr ? Rien de bizarre ?
— Euh, si ! J’ai cru voir une voiture sur le chemin de traverse. Tu sais celui qui passe près de la citerne.
— Cru ou vu ?
— Vu.
— Et tu as fait un rapport ? Tu sais qu’il faut qu’on le signale à la gendarmerie, surtout si ce sont des locaux, afin de prévenir les incendies.
— Non je ne l’ai pas fait, pas encore.
— Et pourquoi ?
— Pierre, en fait… Euh…
— Quoi ?
— Eh bien, il y avait des gens qui, comment dire, prenaient du plaisir.
— Et ça change quoi ? … Attends, qu’est ce que tu dis ?
— Il y avait des gens, trois hommes et une femme, qui baisaient. Enfin même plus. Euh je… Comment dire, ils la tapaient.
— Tu as noté le numéro de la voiture ? Tu as vu qui ils étaient ?
— Oui… Non, non !
— Oui ou non ?
— En fait, Pierre…
Je lui racontai l’histoire de la carte et lui parlai d’Alain, l’homme aperçu. Après cinq minutes de discussions :
— OK, Aline, je vais faire le rapport, pas la peine que tu t’en occupes, tu as assez de boulot comme ça. Au fait, tu as aimé les regarder ?
— Euh, oui… Enfin… non, ai-je répondu en rougissant.
Une semaine plus tard, Pierre et moi marquions une autre parcelle. Pendant la pause, on discuta de tout et de rien. Pierre me demanda si j’avais un homme dans ma vie. Comme je répondai non, il a souri.
— Je comprends pourquoi tu as aimé mater ce qu’ils faisaient. Cela t’a excitée, me dit-il alors.
— Non, non !
— Vraiment ?
— Non… Oui… J’ai été étonnée de les voir. Tu sais, ils la frappaient. C’était bizarre…
— Oui, oui… Tu sais, chacun prend son plaisir comme il l’entend.
Deux jours plus tard, je recevai une lettre chez moi. Sur la lettre, SPARTE en lettres noires.
Aline,
Nous vous remercions de nous avoir rendu la carte que vous avez trouvée sur votre lieu de travail. Sans doute avez-vous le goût du voyeurisme. Or nous sommes spécialisés dans le développement personnel, et principalement celui des femmes de la région, mariées ou non mais désirant prendre du plaisir ou découvrir de nouveaux plaisirs.
Cependant nos activités ne sont ouvertes qu’à un petit nombre de membres sélectionnés. Vous nous avez été proposée par une de vos relations professionnelles : Pierre.
Si vous souhaitez nous rejoindre, merci de le contacter dans les cinq prochains jours. Sans réponse de votre part, nous considérerons que vous n’êtes pas intéressée et nous ne vous contacterons plus. Dans ce cas nous souhaitons aussi que vous ne nous contactiez plus.
Sincèrement,
Le Directeur Adjoint :
Alain M.
Je tombai assise sur mon canapé. Qui étaient-ils ? Une société, un club ? Une secte ? Que faisait Pierre avec eux ? Le lendemain, je le cherchai. Il n’était pas là. Le surlendemain, je pus enfin discuter avec lui. D’abord, dans le couloir, je lui montrai la lettre. Il la prit et m’ordonna de le suivre dans son bureau.
— Aline, fais attention, c’est un sujet personnel, ne rameute pas tout le monde.
— Pierre, qu’est ce que tu me fais ? Tu les connais, ces gens ? C’est qui ? Ils veulent quoi ?
— Aline, Aline calme-toi. Tu sais, ils ne veulent que ton bien. Oui, je les connais, c’est une association, un lieu de rencontre entre adultes majeurs et vaccinés. Cela permet de découvrir de nouvelles choses de prendre du plaisir différemment. Bien sûr, il y a des règles, mais que sont-elles par rapport à ce que les membres en retirent, hein ? … Et toi, toujours célibataire ? Pas de mec dans ta vie ? C’est vrai ou faux ?
— Vrai.
— Alors tu vois, j’ai pensé à toi et puis tu en as déjà beaucoup vu. Ça t’a plu, non ?
— …un peu.
— Cela t’a excitée ou pas, réponds franchement.
— Euh… Oui !
— Bon. Tu vois, il n’y a pas de mal à ça. Je suis sûr que comme cela tu seras plus heureuse. Tu sais, c’est une sorte de club de rencontre. Tu me fais confiance, oui ou non ?
— Oui.
— Bon, alors accepte. Franchement, qu’est-ce que tu risques ?
— Je vais réfléchir.
— Ne réfléchis pas trop longtemps ; tu as bien lu la lettre j’espère.
— Oui. Il me reste quatre, enfin trois jours pour répondre. Et d’ailleurs, je réponds comment ?
— Eh bien, tu me fais une lettre disant que tu acceptes de rejoindre ce groupe, le groupe SPARTE, et que tu en acceptes les règles. Ah, n’oublies pas de donner tes coordonnées.
— Tout ça ? Une lettre ?
— Oui, une vraie lettre, signée, datée, pas un bout de papier. Tu le feras ?
— Euh !
— Oui ou non ? C’est facile comme réponse !
— Oui, dis-je timidement.
J’ai passé les soirs suivants à écrire, reprendre, imprimer et déchirer des lettres. J’en mis finalement une dans une enveloppe et le soir d’avant la fin du délai, je la posai sur le bureau de Pierre.
Je dormis très mal. Je doutais. Était-ce une bonne idée ? Je n’en étais pas sûre. Étant du signe Balance, je doutais toujours de mes décisions. J’étais un peu timide. Cela avait été un trait de mon caractère depuis pas mal d’années. Déjà, au lycée, quand mes amies organisaient des soirées j’étais invitée au début puis comme je n’en organisais pas je fus rapidement exclue du groupe. Et je me contentais de les écouter raconter leurs soirées et leurs aventures.
Mon éducation sexuelle fut tardive : j’avais vingt ans lorsque j’ai été déflorée par mon petit ami de l’époque. On était partis en vacance quatre jours ensemble dans le sud-est, près de Cassis. Il avait un an de moins que moi et même s’il était beaucoup plus extraverti ce n’était ni un apollon ni un étalon. Je suis restée, que je me souvienne, avec lui un an et demi. Nos rendez-vous étaient des plus espacés et nos ébats se limitaient au premier chapitre du kama-sutra. J’ai eu deux autres aventures ensuite, sans rencontrer ni l’âme sœur ni l’extase au lit.
Pierre, pendant ce temps, lisait et relisait ma lettre :
Pierre,
Suite à la lettre reçue le XXX et à nos discussions deux jours après, j’accepte de rejoindre le groupe SPARTE et j’en accepte les règles.
Vous pouvez me joindre au 05XXXXX en dehors des heures de bureau.
Salutations,
Aline.
Je ne revis Pierre que deux semaines plus tard. Un soir, sur le parking, je me précipitai sur lui pour lui parler. Il me répondit sèchement.
— Aline, je ne décide pas. J’ai transmis ta lettre, c’est tout. Tu es bien impatiente. Cela te manque ? Si tu n’as pas reçu de réponse, eh bien tu attends.
— Euh… non, désolée. D’accord !
— Bien. Alors, retourne bosser, moi j’ai du travail.
J’avoue que plus le temps passait plus j’ouvrais ma boite aux lettres avec cette envie d’en savoir plus, mêlée d’angoisse. Où avais-je mis les pieds ? J’ai enfin reçu cette lettre, une enveloppe de couleur beige, SPARTE en lettres noires en haut à droite, un vendredi.
Aline,
Suite aux recommandations de Pierre, vous avez accepté de faire partie de notre groupe. Nous vous en félicitons. Vous y entrerez au premier niveau. Nous tenons à vous dire qu’au sein de notre groupe la sélection est très rigoureuse pour atteindre des rangs plus élevés. Cependant, l’émulation est intense et vous serez bien encadrée. Nous serons très heureux de vous rencontrer pour un premier rendez-vous le samedi 2 juillet à 9 heures à notre adresse.
Sincèrement,
Le Directeur-Adjoint
Alain M.
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