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Hervé Juvin: "L'industrie du corps tourne à plein régime"
De l'obsession de la plastique au commerce d'organes humains, cet agitateur d'idées décrypte l'émergence d'un nouveau continent économique.
Avec le triomphe de l'individualisme, le corps devient l'objet de toutes nos attentions. C'est un nouveau continent économique aux enjeux colossaux qui s'ouvre, explique Hervé Juvin. Acteur de la vie économique et penseur de la société, Hervé Juvin, qui s'est fait connaître par ses travaux sur les marchés financiers, est un inclassable et un curieux. Sa réflexion est guidée par le désir de comprendre les changements en cours et les impasses dans lesquelles nous risquons de nous engager, du point de vue économique, politique et anthropologique.
Y a t' il des conséquences visibles sur les comportements amoureux et sexuels ?
-Une société ou une civilisation qui fait de la multiplicité, de la diversité et de l'intensité des expériences vécues un idéal est sans doute condamnée à aller au terme de son « voyage au bout de la nuit ». Si je suis ce que je vis, si mon but est de vivre le plus intensément possible, d'aller à la plus grande dépense de moi, je ne vais pas vers le plaisir mais vers le risque, la souffrance, et parfois même vers l'horreur. Si on recherche l'intensité maximale, le plaisir devient baliverne, mieux vaut le saut à l'élastique ! Les professionnels du marché du sexe connaissent l'évolution qui va de l'échangisme ou des pratiques SM soft - tout cela en forte croissance, avec sans doute plus de 6 millions d'adeptes au moins occasionnels en Europe - à des choses plus extrêmes. Il faut voir, rue Saint-Denis, ces centres qui proposent, en plus des jeunes femmes en salons d'accueil, des centaines de cabines vidéo où ceux qui sont au bout de leur voyage vont chercher à peu près tout, de la zoophilie aux pratiques de tortures - une clientèle riche, à surface sociale élevée, et qui est au bout de l'isolement et de l'incapacité de la relation.
Retrouver cet article sur http://www.lexpansion.com/art/0.0.80714.0.html
Propos recueillis par Vincent Giret et Bernard Poulet
L'Expansion - 21/12/2004
Selon une enquête qualitative de lInserm menée auprès de vingt-quatre jeunes âgés de 18 à 22 ans, le couple reste une valeur centrale, mais son approche diffère selon le sexe.
Le premier mérite de lenquête Inserm « Lexpérience de la sexualité chez de jeunes adultes », présentée hier par Alain Giami et Marie-Ange Schiltz, est davoir tenté de « désenclaver la question de lexpérience de la sexualité de celle du sida, en essayant de ne plus interroger la sexualité du point de vue du sida ». Car, si, paradoxalement, lépidémie de sida a su donner un sérieux coup daccélérateur à la recherche sur la sexualité, elle a également déplacé le concept sous le seul angle du médical, de la préservation de la santé, du risque. Or on sait finalement peu de chose de ce qui anime les individus dans leur vie intime, quelle soit affective et sexuelle. Et lon en sait encore moins sur la façon dont se vit le passage entre ladolescence et lâge adulte.
Comment ces jeunes adultes vivent-ils les relations physiques, sentimentales et quelles significations donnent-ils à leur expérience ? Cest à ces questions que les chercheurs ont tenté dapporter un éclairage loin des idées reçues trop souvent véhiculées par le monde des adultes (une sexualité adolescente violente, obsédée par la pornographie par exemple - NDLR). Tout dabord, les trois quarts des 24 jeunes interviewés (17 filles et 7 garçons) ont déjà eu des relations sexuelles. Trois filles ont évoqué la survenue dun épisode dabus sexuel au cours de leur enfance ou dune période récente, un homme sest présenté comme homosexuel et ayant subi un épisode homophobe au cours de son adolescence, et deux femmes ont évoqué des relations homosexuelles passagères.
La majorité des jeunes qui ont eu entre 2 et 4 partenaires ont connu des relations amoureuses de longue durée, sans avoir vécu en couple puisquils vivent encore tous chez leurs parents. Selon Alain Giami, « les hommes et les femmes interrogés ne vivent pas dans le même monde sexuel et nont pas la même maturation ». Lenquête révèle, en effet, que les femmes ont eu davantage dexpériences sexuelles, que, lorsquelles sont encore vierges, elles le sont par choix, contrairement aux garçons, qui semblent plus « subir » cette situation, qui les plonge « dans une vie fantasmatique intense ou un vide dépressif ».
Mais la différence majeure concerne lattitude face à la nature des relations. Si le couple et non plus le mariage reste lidéal à vivre pour les garçons comme pour les filles, les filles expriment le désir de prendre leur temps de vivre différentes expériences, de se consacrer à leurs études et de développer leur indépendance. Pour les hommes, « les relations sinscrivent demblée dans le cadre de cet idéal amoureux ». Les filles rejettent une relation trop fermée, imposée par le garçon, considérée comme prématurée. Mais inversement, elles se plaignent « du manque de franchise et du mensonge des garçons à leur égard, qui mènent des relations parallèles sans le leur dire ». Globalement, les jeunes gens vivent une période - que les chercheurs qualifient « derrance sexuelle », une période dexpériences multiples, mais la conjugalité reste le but à atteindre, où « lamour, lactivité sexuelle et le projet familial » pourront sexprimer. Un idéal qui peut faciliter « lexpérience actuelle de la vie sexuelle et affective de ces personnes », mais qui peut également être « un rempart qui la dévalorise ».
Maud Dugrand
L'humanite - Article paru dans l'édition du 10 décembre 2004.
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